On entend souvent dire : "Quelle est la race des Algériens ?" Comme si une seule étiquette pouvait résumer des millénaires d’histoire, de migrations, de mélanges et de résistances. La réalité est bien plus riche, bien plus humaine. L’Algérie n’a pas une race. Elle a des visages. Des langues. Des traditions. Des racines profondes qui remontent à des peuples que l’histoire a souvent oubliés.
Les origines profondes : les Amazighs, les vrais enfants du sol
Avant les Arabes, avant les Romains, avant les Ottomans, il y avait les Amazighs. Ce sont les premiers habitants connus du territoire algérien. Leur présence remonte à plus de 5 000 ans. Ils vivaient dans les montagnes du Kabylie, dans le Sahara, dans les Hauts Plateaux. Ils parlaient des langues qui existent encore aujourd’hui : le kabyle, le chaoui, le tarifit, le touareg. Leur culture, leurs tissages, leurs symboles, leurs fêtes - tout cela vit encore. Les Amazighs ne sont pas un passé. Ce sont des millions d’Algériens vivants qui parlent leur langue, portent leur tenue, célèbrent leur Nouvel An Amazigh (Yennayer) chaque 12 janvier.
Plus de 30 % de la population algérienne s’identifie aujourd’hui comme amazighophone. Et ce chiffre ne compte pas ceux qui, sans parler la langue, portent encore les coutumes, les tatouages traditionnels, les chants de résistance. Ce n’est pas une "race". C’est une identité culturelle vivante, transmise de génération en génération.
L’apport arabe : une langue, une religion, pas une race
À partir du VIIe siècle, l’islam et l’arabe ont traversé le Maghreb. Ce n’était pas une invasion de peuples, mais une transformation culturelle et religieuse. Des tribus arabes sont venues, mais elles se sont mariées, se sont fondues. Les populations locales ont adopté l’arabe comme langue d’administration, de religion, de poésie. Aujourd’hui, plus de 95 % des Algériens parlent l’arabe algérien - un dialecte unique, riche en mots amazighs, turcs et français.
On parle souvent de "race arabe". Mais l’arabe n’est pas une race. C’est une langue. Et les Algériens qui la parlent ne sont pas tous "arabes" au sens ethnique. Beaucoup sont des Amazighs dont les ancêtres ont choisi, au fil des siècles, d’adopter l’arabe pour communiquer, pour éduquer, pour vivre. Ce n’est pas une perte d’identité. C’est une adaptation. Une sagesse.
Les influences du Sud : les Touaregs, les Négro-africains
Le Sahara n’est pas un désert vide. C’est une route. Une voie de commerce, de migration, d’échanges. Pendant des siècles, des caravanes ont traversé le désert, reliant l’Algérie à l’Afrique subsaharienne. Des communautés noires ont établi des villages dans le sud : à Tamanrasset, à In Guezzam, à Ouargla. Leurs ancêtres sont venus d’aujourd’hui Mali, du Niger, du Sénégal. Ils ont apporté leurs musiques, leurs danses, leurs savoirs sur le désert.
Les Touaregs - souvent appelés "les hommes bleus" - sont des Amazighs nomades du désert. Leur peau est foncée, leurs vêtements sont bleus, leur langue est tamasheq. Ils ne sont ni "arabes" ni "africains noirs" dans un sens simpliste. Ils sont touaregs. Et leur identité est aussi algérienne que celle d’un habitant d’Alger.
Les descendants de ces populations vivent aujourd’hui dans les villes du sud, mais aussi à Oran, à Constantine, à Alger. Ils sont médecins, enseignants, artistes. Leur histoire est souvent effacée des récits dominants. Mais elle fait partie intégrante de l’Algérie.
Les héritages étrangers : Romains, Ottomans, Français
L’Algérie a été conquise, colonisée, administrée par des empires. Les Romains ont laissé des ruines à Timgad et à Djémila. Les Ottomans ont régné pendant trois siècles, apportant leur architecture, leur système militaire, leur vocabulaire (des mots comme "baba", "douar", "caïd" viennent du turc). Les Français ont colonisé le pays pendant 132 ans. Ils ont imposé leur langue, leur école, leur administration.
Beaucoup d’Algériens ont des ancêtres de ces périodes. Des familles de colons français se sont mariées avec des Algériens. Des familles ottomanes se sont intégrées. Des juifs d’Algérie - présents depuis l’Antiquité - ont vécu ici, ont été français citoyens, puis ont dû partir en 1962. Leur héritage est dans les noms, dans la cuisine, dans les chansons.
Ce n’est pas une "pollution". Ce sont des couches. Comme un gâteau. Chaque couche a sa saveur. Chaque couche a sa place. L’Algérie n’est pas un mélange de races. C’est un tissu. Un tissu complexe, parfois tendu, mais toujours vivant.
La réalité aujourd’hui : une identité qui se construit
En 2025, un Algérien peut être kabyle, arabe, touareg, chaoui, oranais, saharien, ou une combinaison de tout cela. Il peut parler arabe, kabyle, français, anglais, et un peu de tamasheq. Il peut porter un djellaba, une veste en jean, une chemise en soie brodée, ou une tenue de combat des moudjahidine. Il peut être musulman, athée, chrétien, ou en quête.
La question "quelle est la race ?" est une question coloniale. Elle vient d’un temps où les Européens classaient les gens comme des espèces. Les Algériens ne se définissent pas ainsi. Ils se définissent par leur ville, leur famille, leur dialecte, leur musique, leur histoire personnelle. Ceux qui disent "les Algériens sont arabes" ignorent les Amazighs. Ceux qui disent "ils sont noirs" ignorent les Kabyles. Ceux qui disent "ils sont blancs" ignorent les Touaregs.
Il n’y a pas une race algérienne. Il y a des Algériens. Des millions d’eux. Chacun avec sa propre histoire, sa propre voix, sa propre beauté.
Pourquoi cette question revient-elle ?
Parce que l’Occident a besoin de catégories simples. Parce que les médias parlent de "l’Afrique du Nord" comme d’un bloc. Parce que les films, les livres, les reportages réduisent les Algériens à un seul type : homme barbu, en djellaba, dans le désert.
Quand vous voyagez en Algérie, vous verrez des femmes en hijab à Alger, des jeunes en hoodie à Oran, des bergers en burnous dans les Aurès, des danseuses en robe traditionnelle à Tlemcen, des enfants qui jouent au football en sandales dans les quartiers populaires. Vous verrez des visages clairs, foncés, bronzés, tannés. Vous entendrez des accents différents d’une rue à l’autre.
Ce n’est pas une erreur. C’est la vérité.
Comment comprendre l’Algérie sans parler de "race" ?
Parlez de langues. Parlez de régions. Parlez de familles. Parlez de traditions. Parlez de la manière dont une grand-mère prépare le couscous à Tizi Ouzou, ou comment un père chante les chants de guerre à Ghardaïa. Parlez du silence dans les ksour du Sahara, ou du bruit des marchés d’Annaba.
L’Algérie ne se résume pas à une couleur de peau. Elle se résume à une mémoire partagée. À une résilience. À une fierté qui ne demande pas d’être classée.
Si vous venez en Algérie pour un séjour culturel, ne cherchez pas une "race". Cherchez des histoires. Des mains qui tissent. Des voix qui chantent. Des yeux qui vous regardent sans attendre une étiquette.
Vous trouverez bien plus que ce que vous cherchez.
Les Algériens sont-ils arabes ?
Beaucoup d’Algériens parlent l’arabe algérien et sont musulmans, ce qui les relie culturellement au monde arabe. Mais ethniquement, une grande partie de la population est d’origine amazighe. L’arabe est une langue, pas une race. Dire que les Algériens sont "arabes" revient à effacer les Amazighs, les Touaregs, et les communautés noires du sud.
Les Amazighs sont-ils une race distincte ?
Non. Les Amazighs ne sont pas une race. C’est un groupe ethnolinguistique avec des langues, des traditions et une histoire propres. Ils vivent dans tout le Maghreb - au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Libye, et dans le désert. En Algérie, ils représentent plus de 30 % de la population. Leur identité est culturelle, pas biologique.
Pourquoi les Algériens ont-ils des peaux si différentes ?
L’Algérie est située à la croisée de l’Afrique, de l’Europe et du Moyen-Orient. Pendant des milliers d’années, des peuples ont migré, échangé, marié. Les habitants du nord ont souvent des peaux plus claires, ceux du sud plus foncées, et beaucoup ont des teintes intermédiaires. C’est le résultat naturel de mélanges anciens, pas d’une "pureté" raciale.
Les Touaregs sont-ils algériens ?
Oui. Les Touaregs sont des Amazighs du désert, avec leur propre langue, leurs propres coutumes et leur propre histoire. Ils vivent dans le sud de l’Algérie depuis des siècles. Ils sont citoyens algériens. Leur culture est reconnue comme partie intégrante du patrimoine national.
Les juifs d’Algérie font-ils partie de l’identité algérienne ?
Absolument. Les juifs d’Algérie ont vécu ici plus de 2 000 ans. Ils ont participé à la vie économique, culturelle et artistique. Beaucoup ont quitté le pays en 1962, mais leur héritage reste : dans la musique, dans la cuisine (comme les briouates), dans les noms de familles, dans les quartiers anciens. Leur présence fait partie de l’histoire algérienne.