Asie du Sud : le leader mondial de l’adoption crypto, malgré les interdictions
Entre janvier et juillet 2025, les volumes de transactions en cryptomonnaies en Asie du Sud ont bondi de 80 % par rapport à l’année précédente. Ce n’est pas une hausse ordinaire. C’est une explosion. Et ce, malgré le fait que l’Inde n’ait toujours pas de cadre légal clair, que le Bangladesh interdise formellement les cryptos, et que les banques locales gèlent les comptes des utilisateurs sans préavis. Ce n’est pas une bulle. C’est une révolution silencieuse, menée par des millions de jeunes, des travailleurs migrants et des petits commerçants qui ont trouvé dans les cryptos une issue à un système financier inadapté.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 300 milliards de dollars en transactions cryptos dans la région en sept mois. Cela place l’Asie du Sud en deuxième position mondiale, derrière les États-Unis (1 000 milliards), mais devant toute l’Asie du Sud-Est. Ce qui frappe, ce n’est pas le volume absolu - c’est la vitesse. Alors que les États-Unis affichent une croissance de 50 %, l’Asie du Sud double presque son activité chaque année. Et ce n’est pas fini. Selon TRM Labs, si cette tendance continue, la région pourrait atteindre 650 milliards de dollars d’ici la fin 2026.
Qui utilise les cryptomonnaies en Asie du Sud ?
Le profil type de l’utilisateur de crypto en Asie du Sud ? Un jeune de moins de 35 ans, avec un smartphone bon marché, et un besoin urgent d’envoyer de l’argent à sa famille. Près de 68 % des utilisateurs ont moins de 35 ans. Et 57 % les utilisent principalement pour les transferts de fonds. C’est là que les cryptos font la différence.
Prenons l’exemple d’un travailleur indien en Arabie Saoudite. Avant, il devait payer jusqu’à 6,3 % de frais pour envoyer 500 dollars à sa famille au Kerala. Avec une plateforme comme RippleNet, il paie moins de 1 %, et l’argent arrive en quelques secondes. Pas de jours d’attente. Pas de formulaires interminables. Juste un code QR et un clic. C’est pour ça que les stablecoins - surtout l’USDT et l’USDC - représentent 30 % de toutes les transactions dans la région. Ils sont stables, rapides, et acceptés partout.
Les plateformes locales comme WazirX, CoinDCX et ZebPay ont été conçues pour ce public. Elles fonctionnent sur des téléphones Android bas de gamme, avec seulement 2 Go de RAM. Leur interface est en hindi, en bengali, en ourdou, en tamoul - douze langues au total. Et elles permettent des transactions P2P sans KYC strict. Sur Reddit, un utilisateur raconte avoir effectué 127 transactions en USDT pour moins de 10 000 roupies, sans problème. C’est ce qui rend le système résilient.
Le paradoxe réglementaire : interdire, c’est encourager
L’Inde est le leader mondial de l’adoption crypto depuis trois ans. Pourtant, elle n’a toujours pas de loi sur les cryptos. La Banque centrale indienne (RBI) continue de mettre en garde contre les « risques systémiques ». Les banques ferment les comptes des utilisateurs sans explication. En septembre 2025, un utilisateur de ZebPay a vu son compte gelé pendant 45 jours après un dépôt de 500 000 roupies. Pourquoi ? Parce que la banque ne sait pas comment classer cette transaction.
Pourtant, les gens continuent. Parce que les interdictions ne marchent pas. Au Bangladesh, où les cryptos sont officiellement interdites, 73 % des utilisateurs passent par des réseaux Telegram pour acheter et vendre. Les prix sont plus volatils (une dérive moyenne de 8,2 %), et la liquidité est faible. Mais les gens paient quand même. Parce qu’il n’y a pas d’autre choix. TRM Labs l’a bien dit : « Les interdictions totales sont inefficaces. Elles poussent les utilisateurs vers le marché noir. »
Pakistan, lui, a choisi un autre chemin. En mars 2025, il a créé le Pakistan Crypto Council, un organisme de régulation expérimentale. Les plateformes enregistrées peuvent opérer légalement. Les utilisateurs enregistrés affichent un taux de satisfaction de 68 %. Ce n’est pas parfait, mais c’est un début. Et ça marche.
La révolution des stablecoins et de RippleNet
Les cryptomonnaies ne sont pas seulement des actifs spéculatifs ici. Elles sont un outil de survie économique. Et les stablecoins sont les véritables héros de cette histoire.
USDT et USDC représentent 93 % du marché des stablecoins en Asie du Sud. Pourquoi ? Parce qu’ils sont liés au dollar. Et dans des pays où l’inflation dévaste les monnaies locales - comme le Pakistan ou le Bangladesh - un dollar numérique vaut plus qu’un dollar papier. Il ne se dévalue pas en une semaine. Il ne disparaît pas dans une crise bancaire.
RippleNet, une infrastructure blockchain, est devenue le pont invisible entre les pays de la région. Grâce à des partenariats avec des banques comme Federal Bank en Inde et Meezan Bank au Pakistan, elle permet des transferts transfrontaliers en temps réel. Les coûts ont été divisés par deux. Les délais, réduits de trois à cinq jours à quelques secondes. Et les frais, passés de 6,3 % à moins de 1 %. C’est une révolution pour les travailleurs migrants. Et c’est aussi une opportunité pour les entreprises locales qui veulent vendre à l’étranger.
Les paiements en XSGD (le stablecoin singapourien) sont de plus en plus utilisés pour les transactions entre l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est. C’est une solution régionale, décentralisée, et surtout, conforme aux normes de traçabilité. Une manière intelligente de contourner les blocages réglementaires sans violer la loi.
Les défis : banques hostiles, manque d’éducation, et risques systémiques
Mais tout n’est pas rose. Le principal frein reste le système bancaire. Les banques en Inde et au Bangladesh voient les cryptos comme une menace. Elles bloquent les virements, ferment les comptes, refusent les services aux entreprises qui traitent avec des exchanges. Les utilisateurs sont pris entre deux feux : ils veulent utiliser les cryptos, mais ils ne peuvent pas les connecter à leur compte bancaire.
En outre, l’éducation financière est quasi inexistante. Beaucoup d’utilisateurs achètent du Bitcoin en pensant qu’il va doubler en une semaine. Ils ne comprennent pas la différence entre une crypto et un stablecoin. Ils ne savent pas comment sécuriser leur portefeuille. Les escroqueries sont fréquentes. Et les plateformes non régulées, comme celles sur Telegram, n’offrent aucun recours.
La Banque centrale indienne a averti que si plus de 15 % des activités financières des particuliers passent par les cryptos sans encadrement, cela pourrait menacer la stabilité monétaire. C’est un vrai risque. Mais ce n’est pas la faute des utilisateurs. C’est la faute d’un système qui n’a pas su s’adapter.
Et maintenant ? Vers une régulation intelligente
En septembre 2025, le ministère des Finances indien a créé un comité de 12 membres pour réfléchir à un cadre légal. Le tribunal suprême a donné un délai de 18 mois. C’est un signe. Un signe que les autorités commencent à comprendre que la crypto ne va pas disparaître. Elle est déjà là.
Le Bangladesh, pourtant le plus restrictif, a émis en août 2025 des directives internes pour « expérimenter des solutions de transfert basées sur la blockchain ». C’est une ouverture. Une petite, mais réelle.
La clé du succès futur ne sera pas d’interdire, mais de réguler avec pragmatisme. Comme au Pakistan. En permettant aux entreprises de s’enregistrer, en exigeant des normes de sécurité, en protégeant les consommateurs - sans étouffer l’innovation.
Les jeunes de Mumbai, de Dhaka, de Lahore n’attendent pas les banques. Ils ont déjà pris leur avenir en main. Avec leur téléphone, leur connexion internet, et un peu de courage. Le système financier traditionnel n’a pas su les servir. Alors ils ont créé le leur.
Le futur est déjà ici
En 2025, 10 % de la population de l’Asie du Sud utilisera les cryptomonnaies au moins une fois par mois. C’est une estimation conservatrice. La réalité sera probablement plus haute. Et ce ne sera pas une mode. Ce sera une nouvelle norme financière.
Les États-Unis ont les volumes. L’Europe a les règles. Mais l’Asie du Sud a la dynamique. Elle a les gens. Elle a le besoin. Et elle a la volonté de changer.
La crypto n’est pas un luxe ici. C’est une nécessité.
Pourquoi la croissance des cryptomonnaies est-elle si forte en Asie du Sud malgré les interdictions ?
Parce que les gens n’ont pas d’autre choix. Les systèmes bancaires traditionnels sont lents, chers et inaccessibles pour les travailleurs migrants et les jeunes. Les cryptos, surtout les stablecoins, permettent d’envoyer de l’argent à moindre coût, en quelques secondes. Même dans les pays comme le Bangladesh où elles sont interdites, les utilisateurs contournent les restrictions via des réseaux P2P sur Telegram. Les interdictions n’arrêtent pas la demande - elles la poussent vers l’informel.
Quel est le rôle des stablecoins comme USDT et USDC dans la région ?
Ils sont la colonne vertébrale de l’adoption. Contrairement au Bitcoin, qui est volatil, les stablecoins sont liés au dollar américain, ce qui les rend stables. Dans des pays avec une inflation élevée - comme le Pakistan ou le Bangladesh - les gens les utilisent pour préserver leur pouvoir d’achat. Ils servent aussi à transférer des fonds entre pays sans passer par les banques. En 2025, 30 % de toutes les transactions en Asie du Sud sont en stablecoins, pour un volume total de 4 000 milliards de dollars.
Pourquoi RippleNet est-il si important pour l’Asie du Sud ?
RippleNet permet des transferts transfrontaliers rapides et bon marché grâce à sa blockchain. Avant, un virement international prenait 3 à 5 jours et coûtait 6,3 %. Avec RippleNet, il prend quelques secondes et coûte moins de 1 %. Elle a signé des partenariats avec des banques indiennes et pakistanaises, ce qui permet d’intégrer les cryptos dans le système financier formel, sans violer les lois locales. C’est une solution pragmatique pour la finance inclusive.
Les jeunes sont-ils les principaux utilisateurs des cryptomonnaies en Asie du Sud ?
Oui. 68 % des utilisateurs ont moins de 35 ans. Ce sont des natifs du numérique, avec des smartphones bon marché et une connexion internet stable. Ils ne font pas confiance aux banques traditionnelles. Ils préfèrent les applications locales comme WazirX ou CoinDCX, qui fonctionnent sur des appareils bas de gamme et proposent des interfaces en langues locales. Pour eux, la crypto n’est pas un investissement - c’est un outil quotidien.
L’Inde pourrait-elle légaliser les cryptomonnaies à l’avenir ?
C’est très probable. En septembre 2025, le ministère des Finances a créé un comité de 12 membres pour établir un cadre réglementaire dans les 18 prochains mois. Le tribunal suprême a exigé cette action. Même si la Banque centrale reste prudente, la pression sociale et économique est trop forte pour ignorer la réalité. Une régulation encadrée - comme au Pakistan - est la seule voie durable. L’interdiction totale a échoué. La régulation intelligente est la prochaine étape.