En 2025, l’Algérie accueille moins de 2 millions de touristes par an. Pour comparaison, le Maroc en accueille plus de 14 millions. Pourtant, l’Algérie possède des paysages qui font rêver : des dunes du Sahara à perte de vue, des villes romaines bien conservées comme Timgad, des kasbahs en terre cuite dans le Sud, et des plages méditerranéennes presque vierges. Alors pourquoi ce pays ne s’ouvre-t-il pas vraiment au tourisme ? La réponse n’est pas une seule, mais une combinaison de facteurs qui s’entremêlent depuis des décennies.
Des formalités administratives qui découragent
Obtenir un visa pour l’Algérie reste un parcours du combattant. Contrairement à la Tunisie ou au Maroc où les touristes de nombreux pays peuvent entrer sans visa ou avec un visa à l’arrivée, l’Algérie exige un visa délivré à l’avance. Ce visa doit être demandé en personne à l’ambassade, souvent avec des documents complexes : lettres d’invitation, justificatifs de réservation d’hôtel certifiés par les autorités locales, et parfois même une autorisation du ministère du Tourisme. Pour un voyageur occasionnel, c’est une barrière insurmontable. Même les Européens, qui pourraient facilement voyager en Égypte ou en Turquie, se retrouvent bloqués par la paperasse. Résultat : les gens renoncent avant même de commencer à planifier leur voyage.
Une infrastructure touristique sous-développée
Si vous arrivez à entrer en Algérie, vous découvrirez que les services touristiques sont loin d’être au niveau attendu. Les hôtels de qualité dans les villes comme Constantine ou Ghardaïa sont rares. Beaucoup de lieux d’hébergement n’ont pas de système de réservation en ligne, pas de Wi-Fi fiable, et parfois même pas d’eau chaude constante. Les agences locales ne proposent pas de sites web professionnels, pas d’application mobile, pas de support en anglais. Un touriste français ou allemand qui cherche à réserver un circuit dans le Sahara se retrouve à envoyer des emails pendant des semaines, sans réponse claire. Les guides ne sont pas toujours formés, les panneaux de signalisation sont absents ou en arabe uniquement. Quand vous payez pour un voyage organisé, vous attendez une expérience fluide. En Algérie, vous attendez souvent de la chance.
Des perceptions de sécurité mal fondées
Les médias internationaux continuent de parler de l’Algérie comme d’un pays risqué. Pourtant, les zones touristiques - le Sahara, les villes côtières, les sites archéologiques - sont parmi les plus sûres du pays. Les incidents violents sont rares, et les autorités locales protègent activement les visiteurs étrangers. Mais les campagnes de peur ont la vie dure. Des pays comme la France ou l’Allemagne déconseillent encore certains départements du Sud, même si ces zones sont depuis longtemps sécurisées. Les tour-opérateurs européens préfèrent ne pas proposer de circuits en Algérie pour éviter les risques juridiques. Et quand un voyageur lit sur un forum : « Ne va pas en Algérie, c’est dangereux », il ne cherche pas plus loin. La peur est plus forte que la vérité.
Un manque de promotion internationale
Regardez les campagnes de promotion touristique du Maroc ou de la Turquie : des vidéos spectaculaires, des partenariats avec des influenceurs, des stands dans les salons internationaux, des accords avec des compagnies aériennes. L’Algérie ? Rien. Pas de présence aux salons du tourisme de Paris ou de Berlin. Pas de site web international en anglais ou en français avec des visites virtuelles. Pas de publicité sur YouTube ou Instagram. Les seules images qui circulent sont celles des anciens guides touristiques des années 90. Les jeunes générations à l’étranger ne savent même pas que l’Algérie existe comme destination. Et pourtant, les paysages du Tassili n’ont rien à envier à ceux du Botswana. Les ruines de Djémila sont aussi impressionnantes que celles de Pompéi. Mais personne ne le sait.
Le tourisme n’est pas une priorité politique
En Algérie, l’économie repose toujours sur les hydrocarbures. Le tourisme ne représente que 2 % du PIB. Les décideurs ne voient pas dans ce secteur une source de revenus stratégique. Les investissements dans les aéroports, les routes, les sites archéologiques ou les formations professionnelles pour les guides sont minimes. Les projets de rénovation du port de Béjaïa ou de l’aéroport de Ghardaïa sont bloqués depuis des années. Les subventions pour les entreprises touristiques privées sont quasi inexistantes. Tandis que le Maroc investit des milliards dans la construction d’hôtels de luxe et de pistes de ski à Oukaimeden, l’Algérie continue de laisser ses trésors se dégrader sous le soleil. Le tourisme n’est pas un enjeu national. Il est un luxe, pas une priorité.
La langue et la culture : un fossé invisible
Le français est parlé par une grande partie de la population, mais pas dans les zones touristiques. Dans les villes du Sud, l’arabe dialectal et le tamazight dominent. Les menus, les panneaux, les explications dans les musées sont rarement traduits. Un touriste qui ne parle pas l’arabe se sent exclu. Même les guides locaux, quand ils parlent anglais, le font avec difficulté. La culture algérienne est riche, accueillante, mais elle ne s’adapte pas à l’attente du touriste international. Il n’y a pas de « service client » dans l’idée traditionnelle. On vous accueille avec chaleur, mais on ne vous guide pas. Ce n’est pas de la méchanceté, c’est un manque de préparation. Le tourisme moderne demande des routines, des protocoles, des formations. Ceux-là n’existent pas encore.
Les exemples qui marchent - et ce qu’ils disent
Pourtant, il y a des exceptions. La ville de Tlemcen, avec ses jardins et ses mosquées médiévales, commence à attirer des touristes marocains et tunisiens. Le festival international du Sahara à In Salah attire des centaines de visiteurs chaque année. Le parc national du Tassili n’attire plus seulement des chercheurs, mais aussi des randonneurs européens qui viennent en petit groupe, par passion. Ces exemples montrent une chose : quand il y a une volonté locale, une organisation simple, et un minimum d’infrastructures, le tourisme peut naître. Il n’y a pas besoin de grands projets. Il faut juste commencer. Un site web en français et anglais. Des hôtels avec des chambres propres. Des guides formés. Des bus entre les villes. Des panneaux en trois langues. Rien de compliqué.
Le potentiel est là - mais il dort
L’Algérie n’a pas besoin de réinventer le tourisme. Elle doit juste arrêter de le freiner. Elle a les sites, les paysages, la culture, l’histoire. Elle a des habitants chaleureux et hospitaliers. Ce qui lui manque, c’est la cohérence. Une politique claire. Des investissements réels. Une volonté de faire du tourisme un pilier économique, pas une idée secondaire. Les Algériens savent accueillir. Ils savent faire vivre leur patrimoine. Il ne s’agit pas de changer leur culture. Il s’agit de la rendre accessible. Le monde est prêt à venir. Il attend juste qu’on lui ouvre la porte.