Si vous demandez à un Algérien quel est son plat préféré, la réponse ne viendra pas avec hésitation. Elle viendra comme une évidence, avec un sourire, parfois même une larme. Ce n’est pas juste un repas. C’est un rituel, une mémoire, une identité. Et ce plat, c’est le couscous.
Le couscous, bien plus qu’un plat
Le couscous n’est pas une recette. C’est un art. Il se prépare avec du semoule de blé dur, finement grainée, steamingée au-dessus d’un marmiton rempli de légumes, de viande et d’épices. Chaque région d’Algérie a sa version : à Alger, on ajoute des pruneaux et du miel ; à Constantine, on met du poulet et des œufs durs ; dans le Sud, on utilise du dromadaire ou du gibier. Mais partout, la base est la même : du temps, de la patience, et du respect.
On ne mange pas le couscous comme on mange un sandwich. On le partage. On l’attend. On le sert dans un grand plat en terre cuite, le ksoura, entouré de familles, d’amis, parfois de voisins. Les mains, pas les fourchettes. On forme des boules avec les doigts, on les trempe dans le bouillon, on les mange en silence, en partageant des regards. C’est un moment de paix.
Une tradition qui traverse les siècles
Le couscous n’est pas une invention récente. Des traces de ce plat existent depuis le Xe siècle dans les textes arabes d’Ifriqiya - l’ancien nom de la région qui englobe aujourd’hui l’Algérie, la Tunisie et la Libye. Les Berbères, les premiers habitants de ces terres, l’ont affiné. Ils ont appris à tamiser la semoule à la main, à la faire sécher au soleil, à la cuire à la vapeur avec des récipients en argile. Ce n’était pas une mode. C’était une survie. Une façon de transformer un grain dur en nourriture nourrissante, durable, adaptée au climat aride.
Aujourd’hui, le couscous est reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité - partagé entre l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie. Mais c’est en Algérie qu’il garde son âme la plus pure. Là-bas, il n’est pas juste un plat du dimanche. Il est le plat de la naissance, du mariage, du deuil, de la fête. Il est là quand les gens ont besoin de se retrouver.
Les autres plats qui rivalisent, mais ne détrônent pas
On pourrait penser que la chakchouka, avec ses tomates, ses poivrons et ses œufs brouillés, ou le mechoui, ce mouton rôti lentement dans un four en terre, pourraient concurrencer le couscous. Et ils sont populaires. Très populaires. Mais ils ne portent pas la même charge symbolique.
La chakchouka, c’est le petit-déjeuner des jours de repos. Le mechoui, c’est le plat des grandes occasions - mariage, circoncision, retour de pèlerinage. Mais le couscous, lui, est présent à chaque étape. Il est dans la cuisine des grands-mères, dans les restaurants de quartier, dans les fêtes de fin d’année, dans les repas de jeûne du Ramadan. Il est le fil rouge de la vie quotidienne.
Et puis il y a le m’chermi, ce gâteau de semoule sucré, ou le tajine de légumes du Sud. Mais même ces plats sont souvent servis à côté du couscous, comme des accompagnements. Jamais en remplacement.
Comment le couscous se vit dans les foyers algériens
Le vendredi, c’est le jour du couscous. Pas par hasard. C’est un jour sacré. Le père ou la mère se lève tôt. La semoule est tamisée. Les carottes, les courgettes, les pommes de terre sont coupées en morceaux précis. La viande - généralement du bœuf ou de l’agneau - est maronnée avec du cumin, du curcuma, du gingembre et du paprika. L’odeur remplit la maison.
Les enfants aident. Pas parce qu’on leur demande, mais parce qu’ils veulent apprendre. Ils veulent savoir comment faire les boules parfaites, comment faire bouillir le bouillon sans qu’il soit trop salé. C’est une transmission. Une éducation par les sens.
Et quand tout est prêt, on ne commence pas à manger tout de suite. On attend que tout le monde soit là. Même le voisin qui passe. Même l’oncle qui n’a pas donné de nouvelles depuis des mois. On le fait entrer. On lui donne une assiette. On lui dit : « Mange, c’est le couscous. »
Le couscous en Algérie, un acte de résistance culturelle
Après la colonisation française, les autorités ont tenté de remplacer les plats locaux par des recettes européennes. Le pain blanc, la viande hachée, les pâtes. Mais les Algériens ont résisté. Ils ont gardé le couscous. Pas en cachette. En pleine lumière. Dans les villages, dans les villes, dans les quartiers populaires. Même pendant la guerre d’indépendance, les familles préparaient le couscous pour se réunir, se souvenir, se renforcer.
Aujourd’hui, ce n’est plus une question de rébellion. C’est une question d’amour. De fierté. Le couscous est devenu le symbole d’une identité qui ne s’est pas laissé effacer. Quand un Algérien vit à l’étranger, il cherche d’abord un restaurant qui fait le bon couscous. Pas un restaurant « méditerranéen ». Pas un « restaurant oriental ». Un endroit qui fait le couscous comme chez lui.
Si vous visitez l’Algérie, ne manquez pas cette expérience
Si vous venez en Algérie pour découvrir sa culture, ne vous contentez pas des mosquées, des marchés ou des ruines romaines. Allez dans une maison. Demandez à manger le couscous. Ne dites pas « je voudrais un couscous ». Dites : « Est-ce que je peux manger avec vous ? »
Vous serez invité à vous asseoir sur le sol, à vous laver les mains, à attendre que tout le monde soit là. Et quand le plat arrivera, vous comprendrez pourquoi ce plat est le cœur de l’Algérie. Ce n’est pas la saveur seule. C’est la présence. La lenteur. Le partage. La mémoire.
Le couscous n’est pas le plat le plus riche. Il n’est pas le plus épicé. Il n’est pas le plus cher. Mais il est le plus vrai.
Pourquoi le couscous est-il considéré comme le plat national de l’Algérie ?
Le couscous est considéré comme le plat national parce qu’il est présent dans toutes les étapes de la vie algérienne - naissances, mariages, enterrements, fêtes religieuses et jours ordinaires. Il est préparé selon des méthodes transmises depuis des siècles, et chaque région a sa version, ce qui en fait un symbole d’unité dans la diversité. Il est aussi reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel, partagé mais profondément ancré en Algérie.
Quelle est la différence entre le couscous algérien et le couscous marocain ?
La base est la même, mais les saveurs et les accompagnements diffèrent. Le couscous algérien utilise souvent du bœuf ou de l’agneau, avec des légumes comme les carottes, les courgettes et les pommes de terre, et des épices comme le cumin et le paprika. Le marocain met plus souvent du poulet, des pruneaux, des amandes et du miel, avec une sauce plus douce. En Algérie, on ne met pas de fruits secs dans le couscous traditionnel - c’est une innovation récente.
Est-ce que les jeunes Algériens mangent encore du couscous ?
Oui, et même plus que jamais. Même dans les grandes villes, où la fast-food est partout, les jeunes préparent le couscous le vendredi. Ils le partagent sur les réseaux sociaux. Ils le font avec des ingrédients modernes - du poulet, du quinoa, du tofu - mais toujours avec le respect du rituel. Pour eux, c’est un acte d’appartenance, pas une tradition dépassée.
Où peut-on manger le meilleur couscous en Algérie ?
Il n’y a pas de « meilleur » couscous, mais des versions uniques. À Tlemcen, on le sert avec des œufs durs et des pruneaux. À Oran, on ajoute du poisson. Dans le Sud, on utilise du gibier. Mais le plus authentique, c’est chez l’habitant. Les restaurants touristiques en proposent, mais la vraie expérience, c’est dans une maison de famille, avec les mains, le silence, et le partage.
Le couscous est-il un plat du Ramadan ?
Oui, et c’est l’un des plats les plus importants pendant le Ramadan. Il est souvent servi au repas du soir, après la rupture du jeûne, car il est nourrissant et digeste. Les familles préparent des quantités massives pour accueillir les invités. C’est un moment de générosité, de réunion, de spiritualité. Le couscous, pendant ce mois, devient un symbole de paix et de partage.